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SAMAYA x SAM HENNESSEY & MICHAEL GARDNER

OUVERTURE AU MONT HUNTER

 

 
Les grimpeurs émérites de la Samaya Family, Sam Hennessey et Michael Gardner, ont passé le mois de mai 2024 en Alaska, naviguant entre leurs différents projets et une météo peu clémente. Accompagnés de Rob Smith, ils ont ouvert une nouvelle voie sur la face Est du Mont Hunter, appelée « One Way Out » et cotée AI6 M6+ R. Pour Samaya, Sam raconte ce mois hors du temps.
 
« Des journées plus longues, la fonte des bancs de neige et l’apparition de femmes et d’hommes vêtus de gore-tex errant dans les rues en chaussures de montagne : tels sont les signes familiers du printemps à Talkeetna, en Alaska. Lorsque Rob Smith, Michael Gardner et moi-même nous sommes retrouvés en ville au début du mois de mai cette année, les choses semblaient pourtant un peu différentes. Pour la première fois depuis une douzaine d'années, aucun de nous ne guiderait sur le Denali. Au lieu de cela, nous nous dirigions vers les montagnes avec six semaines de nourriture, trois paires de skis chacun et un plan infaillible : faire ce qui a du sens.
 
Dans la chaîne centrale de l'Alaska, les conditions et la météo se combinent rarement pour permettre de tenter l’objectif principal, il est donc toujours préférable d'arriver avec une longue liste d'idées et d’être capable de s’adapter. Cette année, nous avons fait un choix logique : être prêts à la fois pour les descentes à ski, mais aussi pour quelques objectifs d'escalade. Afin de mettre toutes les chances de notre côté, nous avons également décidé de prendre un permis pour le Denali et de grimper sur la « West Buttress » pour nous acclimater sérieusement. En voyageant à ski, nous serions rapides et prêts à nous adapter aux conditions changeantes… du moins, c'était le plan !
 
Nous étions extrêmement chargés. Tirer les pulkas, particulièrement dans les passages à fort dénivelé, nous a pris plus de temps que ce que nous avions initialement imaginé. Nous souhaitions évoluer avec aisance et rapidité mais c’était loin d’être le cas.
 
Au moins, la météo était prévisible. Nous savions qu’elle n’allait pas être très bonne dans les jours, voire semaines à venir. Les températures prévues s’annonçaient glaciales.
 
En arrivant au Camp 3, à plus de 4 200 mètres d’altitude, nous nous sentions mal équipés. Nos vêtements n’étaient pas adaptés aux -35°C auxquels nous devions faire face et nous avons passé toute la première nuit à frissonner.
 
Le moral n’était pas au plus haut, mais heureusement, une amélioration des prévisions a été annoncée. Ces changements de température nous ont donné une bonne raison de redescendre à des altitudes plus basses où nous avons pu apprécier un repas au camp de base, avec en ligne de mire un sommet légèrement plus chaud : le Mont Hunter.

 

 
Le côté Est du Mont Hunter est un endroit inhospitalier, couvert de séracs et offrant peu d'opportunités de passage sécuritaire. Au milieu des années 1980, Jack Tackle et Jim Donini, grands alpinistes de leur temps, ont trouvé la ligne logique, contournant le côté gauche d'une face massive et abrupte et suivant des arêtes tranchantes et un terrain glaciaire complexe jusqu'au plateau sommital. Ils l'ont appelée l'Arête du Diamant. En raison de sa difficulté et de son engagement, cette route n’a été répétée qu’une seule fois, par Sam Johnson et Freddie Wilkinson en 2005.
 
C’est en 2018 que Michael et moi sommes venus pour la première fois au cœur de cette chaîne de montagnes. Depuis ce premier voyage, nous n'avons cessé d’imaginer notre propre itinéraire, plus direct, sur le Mont Hunter. La zone étant particulièrement dangereuse, il nous fallait être sûrs de ce que nous allions tenter. Jusqu’alors, nous n'avions jamais eu l’indispensable alignement de la météo, des conditions du terrain et du temps libre suffisant pour oser nous lancer dans cette face très exposée.
 
Cette année, nous avons eu la chance de bénéficier de cet alignement. Une période de météo stable de trois jours était annoncée et les températures froides des jours précédents se traduiraient par d'excellentes conditions de glace sur la face. Nous avons préparé deux nuits de nourriture, une tente, un sac de couchage et deux matelas gonflables : cela devrait sûrement suffire à garder trois personnes non gelées pendant quelques jours ! Rapidement, nous nous sommes retrouvés sur la voie au pied du mur.
 
Les premiers pas furent révélateurs de ce que nous allions trouver tout au long de l'ascension. Chaque mouvement se révélait ardu. Une croûte fragile cachait de la neige dans laquelle nous nous enfoncions jusqu'aux genoux. Là-bas, se retrouver dans cette situation, lorsque la voie est plus difficile que prévue, porte un nom : « The Classic Alaskan Sandbag ». Nous y étions.

 

 
Une longue traversée nous a amenés au début du dièdre étonnant qui avait initialement attiré notre attention lorsque nous observions la paroi du camp de base. Alors que la « glace » s'est avérée être principalement de la crème fouettée non protégeable, la qualité de la roche était heureusement excellente, bien que nous devions souvent dégager la couche glacée pour pouvoir l’atteindre. Quatre longueurs difficiles et chronophages nous ont menés à la fin de cette première partie, en même temps que les dernières lumières du jour disparaissaient dans le ciel. Malheureusement, nous n’étions pas encore venus à bout de ce terrain difficile et raide.
 
Nous avons réussi à dégager une excellente plateforme de bivouac pouvant accueillir une personne. Étant une équipe de trois, nous n’avons pas beaucoup dormi cette nuit-là. L'arrivée bienvenue du soleil matinal nous a remplis d'enthousiasme et rapidement, les deux dernières longueurs du dièdre étaient derrière nous. Nous pouvions enfin apercevoir la partie supérieure de la montagne et les énormes panaches de neige soufflant des arêtes ont confirmé une vérité inévitable : notre fenêtre météo de trois jours n’en durerait même pas deux. Cherchant la sortie la plus rapide, nous avons traversé à gauche, à la recherche de la voie normale et de son prétendu passage de sortie glacé. Nous n'avons jamais trouvé la glace. Nous nous sommes retrouvés sur une courte et raide longueur de rocher que Michael a rapidement expédiée et qui nous a donné accès aux pentes neigeuses supérieures, et finalement, à l'arête de glace éponyme au-dessus du mur du Diamant. Nous étions pleinement engagés dans cette partie exposée où le vent faisait rage. Nous nous sommes emmitouflés du mieux que nous pouvions dans nos vêtements et avons gravi d’effrayantes pentes avalancheuses vers le sommet, trouvant heureusement une belle crevasse pour installer notre Samaya ASSAUT2 ULTRA juste au moment où l'obscurité tombait.
 
Être à l'intérieur d'une tente était un luxe, même en étant trois personnes dans une tente pour deux ! Quand le matin est venu, nous avons pris notre temps pour nous préparer, sachant que la journée à venir serait difficile et différente des jours de grimpe précédents où nous avions connu du mixte et du raide. En plus de la tempête qui faisait rage en continu, nous avions mangé la plupart de notre nourriture. Les provisions du jour étaient une barre et un gel par personne… De bien maigres rations ! La journée s'est passée dans un flou de blizzard, de neige, de chutes dans des crevasses et de nombreuses descentes en rappel.
 
Dans tout ce chaos, nous avons atteint le sommet, confirmé par GPS car la visibilité était restreinte à moins de 30 mètres. Le dernier effort pour revenir au camp de base a été assez difficile, notre évolution étant ralentie par la neige et le brouillard épais. Du début à la fin, le Mont Hunter a opposé une bonne résistance. Nous étions heureux d’avoir pu vivre cette expérience si mémorable sur cette voie dont nous avions rêvé pendant de nombreuses années.
 
Après trois jours de repos, nous nous sentions prêts à aller côtoyer à nouveau des altitudes plus élevées. De retour au Camp 3 sur le Denali, les températures s’étaient considérablement réchauffées et après une courte mais féroce tempête, nous avons estimé que c’était le bon moment pour nous diriger vers le sommet. Un peu de ski glacé dans l’ « Orient Express » au cœur du blizzard n'était pas exactement l'expérience que nous recherchions, alors le jour suivant, nous avons décidé de simplement monter la West Buttress pour nous acclimater. À notre grande surprise, la journée s'est avérée être l'une des plus chaudes que nous n’ayons jamais connues, avec des nuages mais absolument pas de vent. Quel plaisir ! En descendant à ski vers le camp via le couloir de sauvetage, nous nous sentions enthousiastes et nous nous demandions ce qui allait suivre. Une prévision météo instable a fini de nous convaincre de nous tourner vers un autre objectif à ski : c’était une mission que nous pourrions compléter avec 12 heures de visibilité décente.

 

 
Malheureusement pour nos niveaux d'énergie, après une seule journée de repos, la météo semblait s'éclaircir à nouveau pour un court moment. Nous avons décidé que c'était notre chance. Après tout, c'était l'Alaska et ça aurait été dommage de manquer une bonne fenêtre simplement parce que nous étions fatigués ! L'objectif était clair : répéter la ligne visionnaire d'Andreas Fransson sur la face Sud. Raide, ferme et avec une composante technique significative dans la moitié inférieure, elle semblait être le summum du grand ski aventureux sur le Denali. Andreas n'est malheureusement plus avec nous et personne n’avait encore répété la ligne. Nous ne savions pas exactement à quoi nous attendre, le Denali étant connu pour ses conditions extrêmement variées chaque année. Il valait donc mieux être prêt à tout. Deux cordes, deux piolets chacun et l’expert en ski de glace Eric Haferman : ces atouts nous ont permis de nous sentir bien préparés pour tout ce que nous pourrions trouver.
 
Bien que le ciel fût clair, les vents étaient tout sauf calmes et atteindre le sommet s'est avéré une tâche difficile. Après beaucoup d’effort et d’abnégation, Eric, Michael et moi nous sommes retrouvés une fois de plus sur le plus haut sommet d'Amérique du Nord, mais cette fois-ci en pointant nos skis dans une direction différente, en prenant un virage serré à gauche depuis le Kahiltna Horn et en descendant la glace blanche de la face Sud supérieure. L'angle diminuait progressivement et la neige devenait plus profonde jusqu'à ce que nous criions de joie en faisant de grands virages avec de la poudreuse jusqu'aux bottes, au-dessus du sommet de « Big Bertha », le monstrueux sérac se cachant à mi-chemin. Une grande traversée, d'abord à ski, puis en crampons, nous a conduits aux bandes rocheuses au-dessus de la face inférieure, où nous avons sorti les cordes et commencé les rappels. Comme Andreas avant nous, nous avons trouvé la montagne inférieure toute de glace bleue : décevant mais pas surprenant ! Le temps froid et désormais très nuageux nous a permis de descendre en rappel toute la face inférieure pendant la journée, et le soir, nous traversions la rimaye et pointions nos skis vers le glacier. Nous sommes arrivés au camp de base juste après minuit, à peine capables de réaliser l’ampleur de l’après-midi que nous venions de vivre. Après une nuit de sommeil et un bon petit-déjeuner, les sensations ont commencé à nous imprégner et nous avons passé les jours suivants dans une satisfaisante torpeur, mangeant et buvant à notre faim en profitant de la compagnie d'amis dans l'air épais de la montagne.
 
Le reste de notre saison a été calme : nous sommes allés en ville, avons été trempés par la pluie et avons passé un peu de temps à skier sur le glacier. La météo n'a plus jamais coopéré pour que nous puissions tenter d’autres gros objectifs de grimpe, mais nous sommes rentrés chez nous incroyablement satisfaits. Deux grandes voies : une en montée, une en descente, et plus d'un mois passé avec de bons amis dans les montagnes les plus cool du monde. Que demander de plus ? L'année prochaine, nous serons de retour… et j’ai entendu dire que la météo serait parfaite !

 

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