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SAMAYA x MARTIN RIVET

TRAVERSÉE DES PYRÉNÉES EN SOLO

 

 
Martin Rivet, réalisateur et photographe outdoor est un habitué des expéditions en pleine nature. Jamais seul, rarement en pause, il avait besoin d’une aventure en solo et engageante. Retournant à ses racines, il nous raconte sa traversée de plus de 1 000 kilomètres à pied, en autonomie.
 
« Je randonne depuis tout petit dans les Pyrénées et cette aventure était l’occasion de redécouvrir ce terrain de jeu autrement, en dormant sous la tente et en étant le plus en autonomie possible. C'est un privilège de pouvoir se libérer du temps juste pour soi, d'être vraiment seul et de faire l’expérience de réfléchir uniquement avec soi. C'est un gros cadeau que je me suis fait, de m’offrir ces 40 jours seul face à moi-même.
 
En plus de l’autonomie, je me suis fixé le challenge de filmer et de créer du contenu pendant cette traversée, ce qui ajoute un facteur poids non négligeable. Le sac lourd, c'est la première cause d'abandon sur les treks longue distance. Je suis donc parti avec un postulat : trouver le matériel le plus léger possible. Une tente ultra légère fait toute la différence.

 

 
Je suis parti de la mer Méditerranée pour rejoindre l'océan Atlantique en traversant toutes les Pyrénées, par ses massifs montagneux. Mon parcours se divisait en 4 étapes : les Pyrénées-Orientales, l'Ariège, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Niveau typologie, on trouve des sommets entre 2000 et 3000 mètres d’altitude pour les plus élevés.
 
J’ai eu énormément de surprises tout au long de mon parcours parce que je n’ai pas suivi la trace du GR. J’allais plutôt voir les endroits qui m’intéressaient, en délaissant les villes de ravitaillement moins sauvages, ce qui m’a conduit au Pic Carlit, sommet culminant à plus de 2921 mètres d’altitude et le plus haut des Pyrénées-Orientales.
 
Mon parcours se dessinait au fil de l’eau et en fonction des conditions météorologiques. Quand il faisait mauvais, j’essayais de redescendre en altitude pour éviter de rester à 3000 mètres si un orage menaçait.
 
La première semaine était très dure physiquement et mentalement. Premièrement parce que j'étais trop chargé, j’avais des soucis d’ajustement et de réglage du sac qui m’ont provoqué des hématomes et de grosses douleurs. J'ai également eu beaucoup d'orages et de neige, notamment au Pic Carlit. J’avais derrière moi seulement les premiers jours et mentalement, de savoir qu’il en restait 30 était un peu dur. Les douleurs combinées au mauvais temps m’ont vraiment fait douter : si je n’arrivais pas à régler mes problèmes de sac et de chaussures, il faudrait prendre une décision. J’ai eu beaucoup de chance par la suite, il a fait très beau.

 

 
Après les Pyrénées-Orientales très sèches et les Hautes-Pyrénées, j’ai atteint les Pyrénées-Atlantiques, tronçon que j’avais déjà beaucoup exploré auparavant. J’ai donc imaginé un tracé me permettant de redécouvrir ma région et d’aller voir des endroits que je ne connaissais pas encore.
 
On est mi-septembre, une période qui n’est pas la meilleure pour traverser les Pyrénées, avec tous les refuges fermés et la météo qui peut être capricieuse. Partir à cette période est quelque chose qui m'a plu parce que c’est beaucoup moins fréquenté qu’en été. En Andorre et en Ariège particulièrement, j’ai passé des journées entières à ne croiser personne. J'étais vraiment livré à moi-même et j'ai trouvé ça génial.
 
J'apprécie beaucoup la solitude. Je pense que lorsqu’elle est recherchée et volontaire, c'est un sentiment très agréable. En plus, la marche est une activité très méditative qui laisse le temps de vraiment penser, de prendre du recul sur plein de choses.
 
J’ai quand même pu croiser du monde sur ces 40 jours et j’ai eu de belles surprises. En montagne il y a une espèce d'hospitalité qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, une entraide que je trouve vraiment formidable. Parfois, la météo était très compliquée et je me réfugiais en cabane. D’autres arrivent et on se retrouve dans ce petit cocon plein à craquer, avec tellement à manger que l’on partage tout : des produits locaux, du fromage, tout pour passer une belle soirée. Ce sont des rencontres courtes, des moments éphémères mais qui font chaud au cœur. Je pense que ça a joué d’un point de vue mental, ça me reboostait lors de moments un peu plus solitaires.

 

 
L'expérience du bivouac sur 40 jours comme ça, c'est énorme. Le fait de choisir son emplacement, d’être libre, c’est ce que j’aime. Je me donnais des étapes par jour et des spots de bivouac pour le soir, proches de points d’eau et assez bas.
 
Excepté dans les parcs nationaux où c’est plus réglementé, j'aimais cette liberté de pouvoir choisir mon petit confort pour la nuit et mon endroit où bivouaquer. Il y a vraiment un sentiment super agréable le soir quand tu viens de finir de marcher, d’installer le camp, de monter ta tente, de cuisiner ton repas chaud et de te mettre au lit, fatigué mais heureux de la journée qui vient de s’achever. Dormir en tente est comme un rituel qui s'installe tous les jours. C'est comme se sentir à la maison avec de nouvelles routines. C’est le seul moment qui permet de récupérer pour pouvoir repartir le lendemain.
 
Je suis parti à une période où il y énormément de brames de cerfs. Une journée en Ariège, je suis arrivé dans une zone espagnole où j’ai installé mon bivouac. Pendant la nuit, ils étaient extrêmement proches. C’était un soir de pleine lune et quand j’entrouvrais la porte de la tente, je les observais à dix mètres de moi à peine. C’était impressionnant, presque irréel. Impossible de dormir !

 

 
Ce qui est marrant avec le trek et aussi un peu déprimant à la fois, c’est qu’à chaque passage de col, tu vois les sommets que tu viens de parcourir, mais aussi tous ceux qui t’attendent. Ces sentiments mêlés étaient particulièrement poignant lors de la traversée de l’Ariège. Je voyais des montagnes à l'infini et je ne pensais jamais m’en sortir. Quand je suis arrivé au bout, j’ai aperçu le Pic du Midi : j’étais un petit plus chez moi.
 
C’était une sensation vraiment particulière, comme quand j'ai vu l'océan.
 
C’était fini.
 
Il ne restait plus rien à traverser, plus rien à l’horizon. »
 
©Photographies réalisées par Baptiste Cibat @baptistecibat

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